DÉMARCHE

Été 2018, la relecture du livre De pictura d’Alberti fut l’élément déclencheur de ma recherche. Selon lui, poser un crayon sur un support donne un point, mis en mouvement il créé une ligne, qui juxtaposée à elle-même produit une surface, aussi appelée plan.

À cet instant, j’ai réalisé que si ce principe fonctionne avec un crayon, il donne des résultats complètements différents avec une bombe de peinture. Si je suis trop loin du mur, de travers, ou que j’appuie trop longtemps, mon point ne ressemblera pas à un point.  

L’impact de la disparition du contact entre l’outil et le support sur le résultat fut le catalyseur de ma recherche. J’ai alors commencé à faire des tests, à comparer les résultats et prendre note de ce que je remarquais. Pendant plus d’un an, cette démarche m’a amenée à produire une série de peintures qui a fait l’objet de plusieurs expositions ainsi qu’à réaliser l’auto-édition Point, ligne, plan, sans contact. Par la suite, c’est à l’outil seul que je me suis intéressée à travers 12 points, puis au geste de avec Directions.

Grâce à l’expérimentation j’ai pu établir quatre principes d’utilisation de la spray : la distance, l’orientation, la force, le temps.

En fonction de mon geste, ces facteurs m’ont servi à catégoriser les résultats selon quatre types : l’accumulation, la pression, la concentration, la dispersion.

Pour comprendre comment l’outil impacte le geste, j’ai cherché à distinguer les paramètres qui entrent en compte dans la création de la forme graphique la plus simple : le point.

• Distance,
• Orientation,
• Force,
• Temps.

Ces 4 paramètres m’ont permis de montrer que le point s’émancipe de l’unicité et de la concision qui l’avaient toujours caractérisé. Il devient temporel et multiple.

12 points est une sélection d’exemples accompagnés des représentations schématiques propres aux variables de création de chaque point. Son but est de matérialiser la dynamique de la spray et son impact sur le résultat, sans geste de l’homme.

Après m’être concentrée sur l’outil, je me suis intéressée à la relation entre le geste et la pulvérisation à travers la construction spatiale du tracé et sa dimension visuelle sur le résultat.

Ces recherches ont fait l’objet du livre Directions dans lequel je voulais questionner l’impact de la mise à distance, du « sans contact » initiateur de ma démarche, via les trois chapitres :

• du point et des gouttes
• de la ligne sur le support
• du geste dans l’espace

La peinture en aérosol démultiplie les possibilités du geste mais brouille aussi sa définition et ses frontières. Le point et la ligne peuvent générer des surfaces, alors qu’un plan peut être dispersé. La mise à distance imposée par la pulvérisation peut être la source de la disparition du contour au profit de surfaces hybrides, complexes et chaotiques.

Parallèlement à mes recherches sur la direction débutées lors du confinement 2020, j’ai commencé à me questionner sur l’esthétique des graffitis abstraits.

Déjà, lors de mes expérimentations picturales débutées dans le cadre de Point, ligne, plan, sans contact, j’ai été marquée par l’importance du chaos généré par le système dynamique de la spray.

Par définition, le chaos est imprédictible et complexe. Grâce au changement de dimension imposé par la production de peintures de recherche sur petit format, j’ai pu laisser une plus grande place à la pulvérisation. La domination du geste présent dans le graffiti s’est estompé vers un dialogue avec le principe dynamique de la spray.

Au final cette technique de « contrôle chaotique » s’est révélée être la méthode fondamentale de ma pratique, quelque soit la surface sur laquelle j’interviens.

Avez-vous déjà essayé de faire tenir un crayon debout le plus longtemps possible dans la paume de votre main ? Si oui, alors vous connaissez le contrôle chaotique.

La volonté de contrôle de l’homme s’associe à une dynamique chaotique dans l’idée d’une recherche d’équilibre entre ces différentes forces.